Je n’avais
lu que Globalia que j’avais trouvé correct mais, pensant moi aussi à écrire sur
le Chemin, une question se posait tout naturellement : qu’écrire sur
des journées de marche et de discussions passagères ? Sûrement des
phases introspectives, des réflexions sur le sens de la vie, peut-être, mais
sur deux mois de pèlerinage, chaque instant ne pouvait pas être intéressant. J’éprouvais
une profonde admiration pour ceux qui arrivaient à tirer beaucoup de pas
grand-chose, des bribes de vies dans lesquelles les lecteurs pouvaient se
retrouver ou se situer. Moi, je racontais surtout le notable, certaines
situations étaient tellement extraordinaires qu’il fallait romancer le moins
possible, par honnêteté, par devoir vis-à-vis d’événements que certains
prétendaient déjà qu’ils étaient inventés.
J’aurais
aimé employer une licence artistique, enjoliver mes phrases pour des aventures
plus littéraires, c’était risquer me décrédibiliser. C’était trop important
de témoigner du monde tel qu’il est, ou tel que je l’ai vécu, après un
certain nombre d’expériences c’est pareil. Camille ajoutait qu’il n’avait pas
apprécié la dimension spirituelle d’un Ruffin devenant progressivement croyant
pour se convertir au bouddhisme au terme du pèlerinage.
A quel point
faut-il être instable, à quel point faut-il être anxieux pour se réfugier dans
une croyance. Je jugeais Ruffin sans le connaître ni même l’avoir lu, près de
le qualifier d’affabulateur, puis je me
rappelai mon premier journal de voyage, celui que je complétais
chaque fois que je trouvais une bibliothèque en Angleterre, en Ecosse. Sans
style ni accent, j’épiloguais sur la
morsure du voyage, expliquais être tombé dedans pour de bon et
que jamais il ne s’arrêterait.A l’époque, c’était un mensonge, j’avais tout juste commencé mes études, je voyagerais durant les vacances. Je souris à la pensée que j’y étais parvenu, finalement, au voyage continu, quatre ans après mes mots, quatre ans avant aujourd’hui. La réalité s’était calée sur la fiction. Que diable allais-je pouvoir écrire sur le chemin ?
La Chapelle Saint-Roch
Nous atteignîmes bientôt la chapelle Saint-Roch, petite bâtisse apparemment peu fréquentée, je posai mon sac pour y entrer. Un oiseau avait fait son nid sur le crucifix principal, contre l’épaule du Christ. De la musique religieuse était diffusée en continu, elle n’apportait rien, je préférais les lieux de culte muets. Je m’assis tout de même sur un banc et mis mes mains en prière :
Notre Père qui êtes aux cieux, au nom trop souvent mal employé, je voudrais déposer une prière pour Geneviève de Sainte-Geneviève, qu’elle ne vive que des jours heureux, elle le mérite, vous savez ? Et si tu pouvais filer des coups de pouce à tous ceux qui m’ont aidé jusque là. Moi, j’aurais pas assez de temps pour tous leur rendre la pareille. Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, Amen.
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