dimanche 5 octobre 2014

L'équipement d'Antoine

Lui revêtait l’équipement idéal, un sac de randonneur qui laissait respirer le dos, des sacoches ventrales pleines de poches pour attraper la nourriture sans avoir à s’arrêter, deux bâtons de pèlerins qui, bien que robustes, pouvaient se détacher s’il fallait les désembourber, les plier en trois s’il fallait les ranger. Je ne sais pas qui de nous deux avait voyagé le plus mais on ne pouvait douter de qui était le mieux équipé : il portait des chaussures de randonnées et moi des claquettes, il avait une casquette de marcheur estampillée « Santiago » et moi ma crinière, il avait une polaire légère qu’il pouvait porter par tous les temps et moi un gros sweat qu’on m’avait filé.
J’avais aussi récupéré une serviette Décathlon, trois t-shirts de sport et une paire de baskets de la famille de Sandra pour qui le marathon coule dans les veines – plus que ça, c’est l’Iron Man, dont le marathon n’est qu’une des étapes, qui les irrigue. Sans mon cousin Maurice, j’aurais marché en jean. La vérité est qu’à chaque fois que je jetais un œil sur mes affaires, il semblait que je n’avais jamais voyagé, que je ne savais pas ce que c’était. Quatre ans de mouvement perpétuel pour en arriver là, si c’est pas malheureux. Et même les tongs m’avaient été offertes.
  • Tu as des lunettes de soleil, au moins ? Parce que ça brûle les yeux de marcher autant.
     -   Bien sûr que non.

Les premiers pas
Comme je ne voulais pas perdre de temps, je sautai la toilette et restais en jean, petite chemise sous pull-over et tongs, je verrais bien à me changer plus tard si la tenue s’avérait handicapante. Nous partîmes sans passer par l’Eglise, Camille avait été la veille à la messe, et devancions les pèlerins qui s’y étaient rendus, non sans regret puisque j’avais promis à Geneviève, 78 ans, résidant à Sainte-Geneviève dans l’Oise de déposer une prière à son intention et je m’étais toujours imaginé le faire dans la cathédrale du départ. Je n’en dis rien.
Notre rythme était tranquille dans la montée du départ, nous discutions en s’arrêtant à peine pour contempler le Puy dans son ensemble. Cent mètres devant nous, une brune sans sac promenait son chien, je me demandai si j’allais passer mon temps à sonder les gens pour savoir s’ils étaient pèlerins.
Nous nous retrouvâmes vite en pleine nature, longions les champs d’un côté, un paysage de vallons verdoyants de l’autre avec les volcans en arrière-plan. Il y avait de nombreux arbres qui s’agglutinaient çà et là sans pour autant constituer de forêt. Le chemin était de terre et de pierres, nous avions rapidement quitté le goudron et gardions bon espoir de ne pas y laisser nos plumes. Le soleil supplanta rapidement la fraîcheur matinale et je dus retirer mon pull orange. Je m’alignais sur le pas du grand-père, ne le devançant qu’à peine, et trouvais cette allure agréable. Quarante jours se suivraient ainsi, quarante matins à n’avoir rien d’autre à faire que marcher, ça ressemblait fort à des vacances.

Papi me racontait ses dernières marches, la santé de Mamie, ses expériences culinaires, j’évoquais mes voyages, en tirais des anecdotes. On embrayait sur les voyages du père qui convoyait un catamaran, des petits frères et sœurs qui l’avaient rejoint aux Seychelles, faut-il préciser que la famille partage un faible pour le voyage ? Je recevais également des nouvelles de voisins dont les visages et les noms me semblaient d’une autre vie, des histoires réfugiées par-delà mon royaume des souvenirs.
  • Papi, demandai-je, si je peine, on fera comme au Piton des Neiges, quand j’avais 18 mois ? Tu me porteras sur ton dos ?
  • Ha ! Oui, à l’époque où on t’appelait Boufchidor (Trouvaille de ma tante vis-à-vis de mes principales activités : manger, déféquer, dormir.)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire