dimanche 5 octobre 2014

Montbonnet à Saugues

Ce n’était pas une cathédrale mais si chaque bâtiment religieux était un catalyseur de requêtes divines, on pouvait considérer que j’avais honoré ma promesse. C’est à ce moment que Camille me rejoignit, j’empruntai son appareil photo, ayant laissé toutes mes affaires dehors, par terre, pour soulager mes épaules ou pour ne pas faire désordre dans le monument, je ne sais plus.
A la sortie, nous croisions un groupe de cinq sexagénaires, ils me demandèrent immédiatement si je comptais faire l’intégralité du chemin pieds nus, je n’ai pas eu le temps de répondre que mon grand-père nous présentait comme réunionnais puis précisaient que j’arrivais d’Irlande. Le type qui n’avait rien compris dans le flot d’informations trouva que les irlandais avaient des gènes solides.

Montbonnet

Bref, nous arrivions aux abords de Montbonnet (qui, dans ma tête, ne cessait de venir comme Montbo, Montbon, Montbonnet, c’est fou le pouvoir de la publicité, même de celles auxquelles on n’a pas vraiment été confronté), le soleil rayonnait, mon ventre gargouillait. Camille proposa une halte au bar du patelin, situé après une montée un peu raide, il apparut comme une récompense. Il restait une table libre en terrasse, une quinzaine de pèlerins de groupes divers étaient déjà installés. Il y avait des mômes de moins de douze ans, des types de plus de cinquante, pas d’entre deux, j’allais peiner pour me faire des potes.
Tandis qu’on s’installait, le grand-père salua nos trois voisins les plus proches, un couple de grands-parents et leur môme adolescent, si proches qu’on avait la sensation de s’asseoir avec eux. Ils ne répondirent pas, il ne m’en fallut pas plus pour détester les premiers impolis du voyage. 

Camille dégrafait encore ses affaires quand je m’enfonçai dans une chaise en plastique. La vue sur les volcans était tronquée par une large bâtisse mais on était quand même en mesure de l’apprécier. Aux discussions tombées dans mon oreille, je compris que nos voisins constituaient un Etat à eux seul. La majorité de leurs mots résonnait l’ennui, la banalité crasse, les autres soulignaient la tyrannie de la grand-mère. Malgré le soleil, elle glaçait l’atmosphère.

Je commandai un sandwich au fromage et un sirop de cassis, le môme qui avait déjà mangé se voyait refuser plus de nourriture. Il avait faim, insistait-il, il ne mangerait pas, avait-elle décrété. Un autre pèlerin qui marquait aussi la soixantaine arriva, comme il ne savait où s’asseoir, Camille lui offrit de s’installer avec nous. 

C’était une endive, on aurait pu le croire simplement timide ou peu loquace, il répondait aux questions par des « oui, oui, oui » ou « non, non, non » un peu mous mais parvenant quand même à perdre de leur assurance dans ce semblant d’écho. Mon grand-père qui voyait l’opportunité d’une conversation lui posait davantage de questions, toutes répondues par des lieux communs. Pour toute participation au dialogue, il ne répétait que les dernières phrases. A ma gauche, la vieille enchaînait les remarques désobligeantes à propos de son petit-fils puis de son mari, éteints comme pas permis.

De toute évidence, le chemin de Compostelle ne me rendait pas plus tolérant.

En plus, ma commande se limitait à une demi-baguette non moelleuse dans laquelle on avait fourrée quatre portions d’un camembert premier prix. C’était donc ça, un pèlerinage ? Une nourriture inepte et chère parce que les marcheurs n’avaient pas le choix. Nos aliments engloutis, nous nous remîmes en marche, le taulier me demanda si je marchais pieds nus (oui) et si je comptais faire tout le chemin ainsi (on verrait bien), il était impressionné mais me dit qu’il me faudrait des chaussures pour certaines portions. Il avait le mérite d’être aimable, de me souhaiter un bon courage différent de ceux qu’il avait adressés à d’autres, il pouvait bien, à 3 € 70 le pain sec au camembert discount.

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