Saint-Privat d’Allier
On investit
la terrasse d’un bar baignant dans le soleil pour continuer la conversation, il
était encore tôt, près de 15h. J’expliquais n’être techniquement pas du tout
préparé au chemin. Non seulement mon sac n’était pas fait pour la randonnée, je
transportais aussi – et associai le geste à la parole – cet ordinateur portable
de cinq kilo. Ses yeux s’écarquillaient, elle ne put réprimer un sourire
aussi large que moqueur :
- Mais, tu es stupide !
- J’apprécie ta franchise, répondis-je en riant.
Je n’avais
pas trouvé où poser la machine, la remplacer par un ultraportable le temps de
la randonnée, et comme je n’avais pas de maison, j’étais bon pour porter ce
fardeau tout du long. Le reste était léger, mon sac ne devait pas peser
plus de dix kilo, du moins le présumais-je. Elle était surprise de mon voyage
avec le grand-père et ses 78 ans, davantage quand je lui dis que nous allions
faire du couchsurfing ensemble. Ne se rappelant pas l’avoir vu et piquée par la
curiosité, elle décida de l’attendre pour voir le marcheur vietnamien qui lui
paraissait bien courageux.
- Au fait, je m’appelle Antoine. (Je dus la reprendre un peu sur la
prononciation.)
- Moi, en français, on m’appelle Brigitte.
- Birgitte en danois ? (Oui, c’était ça.)
Camille nous
rejoignit rapidement et me prêta son téléphone pour appeler Isabelle, chez qui
nous allions passer la nuit. J’avais une légère appréhension, ce serait la
toute première expérience du papi chez l’habitant. Répondeur, la pression
montait, un plan foireux saborderait définitivement les possibilités
d’hébergement chez l’habitant. Parmi nos voisins de terrasses, des rumeurs
circulaient que les gîtes de la prochaine étape étaient tous complets, quelques
coups de fil le confirmèrent. Seul le camping municipal disposait d’un chalet
de sept places sans réservation, ce serait aux premiers arrivés, comme
en Espagne.
Le jour d’avant Compostelle
Tours
– 14hLe TARDIS venait tout juste de tomber hors du vortex spatiotemporel quand sonna mon téléphone. Le Docteur attendrait un peu avant de remédier à la situation, Sandra, contre qui je me blottissais durant l’épisode, et parfois sans épisode, attendrait aussi.
- Pierrot ?
- Oui, Antoine, commença-t-il, t’es où ? Papi
s’inquiète de ne pas pouvoir te joindre, il est arrivé au Puy en Velay et
ne sait pas où tu es.
- En tout cas tu devrais l’appeler, il est un peu agacé.
- Bah alors papi, tu perds la tête? Je t’ai envoyé un
message hier pour te dire que j’étais en Bretagne et que je ne pouvais pas
être au Puy avant aujourd’hui. Je suis arrivé à Tours hier minuit et bouge
dans l’après-midi. Ne t’inquiète pas, demain, sept heures, on part sur le
Chemin de Compostelle, comme prévu. Allez,
bisous, grand-père la boule !
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