dimanche 5 octobre 2014

Préambule - Conseils, récit écrit par Antoine

Dix (très) bonnes raisons de randonner pieds-nus (Et quelques histoires associées…)

Ceux qui suivent mon aventure sur le Chemin de Compostelle le savent, je le parcours pieds nus, parfois en claquettes. Suis-je guidé par la spiritualité, à la manière de ces rites indiens qui permettent d’accéder à l’extase par la douleur ? La vérité est toute autre :
1. Parce que je ne sais pas faire mes lacets :
J’ai donné cette réponse à une fille arrêtée sur le chemin, justement en train de relacer ses chaussures. Mon père s’est arraché les cheveux durant mon enfance criblée d’échec de nœuds et autres double-nœuds. Même à l’adolescence, quand nous naviguions ensemble, il nous est arrivé de longer les berges malgaches et mahoraises pour retrouver une planche mal attachée au bastingage. Alors que le nœud de chaise, c’est vraiment pas sorcier.
2. Pour travailler ma corne plantaire
Gamin, j’étais toujours pieds-nus, je faisais fi des graviers, des épines et traversais des chemins parsemés de tessons de verre et de clous rouillés quand je ne sautais pas de voiture en carcasse brûlant sous un soleil réunionnais dans la décharge près de chez mon cousin Pierrot. Rien ne perçait la corne que j’avais sous les pieds. Lors des vacances en France métropolitaine, je ne me déparais pas de l’habitude, on m’appelait Mimi Siku, tiré du film Un Indien dans la ville – qui a certainement très mal vieilli, maintenant que j’y pense. Si la corne devient épaisse, on peut marcher partout et ça réduit à 0€ le budget chaussures.
3. Parce que je n’aime pas puer des pieds
Il faut bien le dire, marcher des heures dans des chaussures fermées ne donne pas aux pieds l’odeur des roses. Ils cuisent dans les chaussures et s’il venait à pleuvoir, n’en parlons pas ! Honteux et confus, j’embaumais les voitures de ceux qui me prenaient en stop après de longues randonnées pluvieuses irlandaises, ils en baissaient la vitre malgré la météo diluvienne. J’ai fini par ranger mes baskets dans trois sacs plastiques au fond du sac de ma tente.
4. Parce que je n’aime pas laver mes chaussettes

Arrivé à l’étape, on peut se délasser, s’adonner à des activités (sieste, vérifier que l’étape du lendemain est moins pénible qu’aujourd’hui, boire une boisson chaude), voire l’absence d’activité. Laver, ce serait prolonger l’épreuve, ajouter un temps réserver à manipuler une entité puante qui dégorge d’un liquide noirâtre. Pas vraiment mon idée du plaisir.
5. D’ailleurs, je n’ai pas de chaussettes
J’avais bien une paire au départ mais, nouveau sac aidant, j’ai oublié l’existence de la poche où je les ai rangées, la laissant béante sur une longue portion. Dans la bataille, j’ai dû y laisser un coupe-ongle, un déodorant, quelques euros et quelques centimes malaisiens. Si vous me demandez pourquoi j’ai pris des centimes malaisiens sur le chemin de Compostelle : pas la moindre idée.
6. Pour faciliter le dialogue
Marcher pieds nus ne manquera pas d’interpeller les autres marcheurs qui n’hésiteront pas à vous demander quelles sont vos motivations pour vous lancer sur un chemin où tout le monde est en chaussures de randonnée montantes. En plus, avec cette liste, vous aurez même matière à répondre !
7. Pour la frime
Il faut le dire, devenir le taré sans chaussure sur un chemin de randonnée vous fera connaître comme le loup blanc. Ils parleront de vous entre eux, s’interrogeront comment vous avez passé telle bande de graviers (réponse : dans la souffrance) ou si le sang trouvé sur les cailloux tranchants vous appartient. Un moyen de vous faire connaître à peu de frais.
8. Pour éviter les ampoules
Pas de chaussure fermée, pas de frottement, pas d’ampoule. De quoi frimer quand les autres marcheurs appliquent crèvent leurs ampoules, les désinfectent, les pansent. Encore du temps gagné pour de meilleures activités post-randonnées (jeux de société, couture, devenir une rock star).
9. Par pur masochisme
Il faut le reconnaître, certains passages particulièrement rocailleux vous feront reconsidérer le bien-fondé de l’expérience de la nudité du pied (pédestre ? podochose ?), apprenez à recevoir la douleur et voyagez avec un ami qui saura prendre en photo vos expressions faciales déformées par l’épreuve. Un enregistreur audio saura capturer vos interjections les plus riches et participeront à l’Encyclopédie mondiale des jurons.
10. Pour découvrir de nouvelles caractéristiques du corps humain
Avouons-le, randonner sans chaussure n’est pas une activité que l’on pratique fréquemment, votre corps offrira donc des réactions inédites ! Par exemple, quand je lève ou plie les orteils, les articulations du haut du pied grincent comme un vieux grenier. En plus, j’ai mal à des endroits où j’ignorais que la douleur était possible. Fantastique !
Si avec tout ça, les sociétés de chaussures de randonnée ne sont pas en faillite d’ici la fin de l’année, je ne sais pas ce qu’il vous faut !
Et toi ? Quelles sont tes bonnes raisons de randonner comme tu le fais ?


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